Mes souvenirs d'école à moi, c'est d'abord un drôle de « p'tit gars » !

Mais d'abord, faut que je vous raconte : dans la classe, nous avions un vrai cancre, un spécialiste des zéros. Gentil comme tout, mais incapable d'apprendre. Bien sûr, ce n'était pas de sa faute, et nous l'aimions bien. Et puis aussi, grâce à lui, nous ne pouvions jamais être dernier de la classe ! Un jour où il était interrogé et où il ne savait pas plus sa leçon que d'habitude, il a eu un éclair de génie.

Émilie m'a raconté cette histoire juste avant les vacances. Elle ne m'en voudra pas de vous la dire, j'espère...

Je vous assure que tout ce que je vais vous rapporter est vrai : elle était si malheureuse et si en colère à la fois que ça ne peut être que la vérité. De toutes façons, elle est bien incapable d'inventer une telle histoire juste pour moi.

Elle a presque deux ans de plus que moi, Émilie, et elle est deux classes au-dessus au lycée. Elle n'a pas de frères et sœurs, et ses parents sont bien plus âgés que les miens. Je ne suis jamais allée chez elle, et elle n'est jamais venue chez moi. Pourtant, nous habitons à deux rues l'une de l'autre. Elle m'aime bien, Émilie, et, de temps en temps, elle se confie à moi comme à une petite sœur. On se parle au lycée ou parfois en revenant, quand nous sortons à la même heure.

En guise de siège, une mousse bien épaisse encore humide de la rosée du matin : adossée au grand chêne, dans le calme retrouvé de la fin du mois d'août, je souris, amusée. À deux pas, stoppant soudain sa course folle, un écureuil facétieux, intrigué, me dévisage, s'interroge, puis s'éloigne en haussant les épaules.

Libre, heureuse, bercée par le chant mélodieux d'une fauvette, sifflotant le même air en riant, je me prends à rêver que moi aussi je vole, gai pinson ou rouge-gorge curieux.

« Vite, venez voir : Anaïs vole ! » crie bientôt à la cantonade la mésange nonette.
Devant le garenne ébahi égaré dans ce bois, virevoltant au son des trilles de l'oiseau, je course comme une enfant les jolis papillons jusqu'à ce qu'essoufflée, je me pose enfin sur un doux lit de cèpes.

Je vous dirai parfois ce que la mémé Naïs me racontait, quand j'étais petite.

La mémé Naïs, c'était mon arrière-grand-mère. Elle est maintenant avec les petits oiseaux dans le ciel ! Elle vivait au village, dans la vieille maison avec mes grands-parents, les parents de ma mère. Je crois que, de tous ses arrière-petits-enfants, c'est moi qu'elle préférait, peut-être parce que je porte presque le même prénom qu'elle ? Et elle me racontait plein de choses que j'écoutais, les oreilles grandes ouvertes et buvant ses paroles !

Elle parlait presque tout le temps en patois, mémé Naïs. Le français, c'était juste un peu, quand elle avait la visite de quelqu'un de la ville, comme un colporteur à qui elle achetait quelques bobines de fil, quelques pelotes de laine ou un coupon de tissu pour faire un tablier. Avec moi, elle mélangeait souvent les deux, comme si elle avait peur que je ne la comprenne pas. Pourtant, moi aussi, je parlais patois depuis toute petite... même si à l'école, c'était en français qu'il fallait s'exprimer.

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