Intermède rêveur

 

Le soleil se couche sur le village. Ses derniers rayons caressent les toits comme une mère berce son enfant. Peintre éphémère il étend sa toile sur l'horizon, déversant une onde arc-en-ciel sur les montagnes au loin.

Puis ce parfum de crépuscule qui envahit l'air, borde les cigales pour une nuit paisible. Le ruisseau tout proche entonne calmement son ode au repos.

Nous nous retrouvons alors, mon frère, ma sœur, mon père et mes grands-parents autour de la table, à la fraîcheur que le mûrier a durement gardé des assauts de l'astre solaire, finalement terrassé... du moins pour ce soir !

Le repas est simple, les visages disent leur satisfaction de se réunir après cette belle journée. Cette fois encore Papy va nous raconter une de ses aventures, mon frère râlera avec toute la mauvaise foi de la région après cette maudite pierre qui l'a fait perdre aux boules tout à l'heure, et ma sœur concurrencera l'œuvre déjà perdue du soleil avec ce beau bouquet de fleurs sauvages au beau milieu de nos assiettes, éclatant de couleurs et de douceur, suivant le ballet des bougies.

Chacun fera part de ses péripéties du jour puis nous irons enfin dormir, après bien sûr avoir dégusté les fruits que j'ai piqués ce matin dans le jardin du voisin.

Je dormirais bien dans le jardin cette nuit, mais je ne supporterai pas cette ronde lumière trop matinale pour moi.

Le réveil sonne, la sieste est terminée, le devoir m'appelle.

J'aurais tellement aimé vivre de telles vacances sur les terres de mes ancêtres.

© Grégoire Gastaud 2008

Un texte en vedette

Non, suis-je bête ! Trop tôt disparus, vous n'êtes plus là pour enchérir. Mais je suis sûr pourtant que vous m'écoutez et que vous me soufflerez quand ma mémoire faillira

Toi, Jacques, mon cousin de quatre mois mon aîné, presque mon jumeau... Toi, Jean-Claude, notre oncle de seulement cinq ans plus âgé, presque notre grand frère... Je vais nous faire revivre quelques instants de bonheur si simple !

Vous souvenez-vous de ces dimanches matins à Maison-Carrée ? En guise d'apéritif, accompagnant l'Anisette des grands, ces petites moules achetées au litre, qui contenaient si souvent de petits crabes qui craquaient sous la dent si nous n'y prenions garde ! Ces quarts de citrons avec le jus desquels nous nous amusions à réveiller ces moules et leurs crabes... Et ces morceaux de fenouil que nous volions dans le plat de l'entrée : c'était notre Anisette à nous... Et puis ces cacahuètes entières que nous allions chercher dans la veste du grand-père ? À croire qu'il faisait exprès de remplir ses poches pour nous !

C'est étrange, j'ai totalement oublié les femmes ! Que faisaient-elles pendant ce temps ? Nous, les enfants, mangions-nous ensuite ? J'en arrive à douter tant nous grignotions avant.

Comment ai-je pu oublier, tant la cuisine de la grand-mère était délicieuse ! Il faudra qu'on en reparle un jour de son couscous, de ses tripes, de sa choucroute, de ses pisas (oui, oui, elle prononçait "pisas" et non "pizzas") et j'en passe, sans oublier ses pâtisseries. Elles rivalisaient avec la couronne des rois pralinée et avec la mouna de chez Espaza, qui étaient pourtant d'une légèreté et d'un parfum incomparables ! « Mémé gâteau », l'avais-tu surnommée, Jacques, c'est dire !

Mais revenons aux choses toutes simples qui nous rendaient si heureux ! Vous souvenez-vous des savoureuses patates douces cuites au four pour le goûter, du caramel brutalement figé sur la plaque de marbre quand elle nous préparait un flan maison et qu'elle faisait plus de caramel qu'il n'en fallait, juste pour que nous nous régalions ? Ou de ces carottes passées à la râpe à fromage et dont nous récupérions les morceaux rescapés qui auraient détonné dans le plat de service ? Quel simplissime délice !

Et puis... et puis ces parties de brochettes d'abats et de gigot d'agneau que nos pères passaient des heures à préparer et qui étaient si vite mangées ? Et puis... ces fêtes de Pâques à Bordj, où nous allions chercher les œufs dans le jardin de Tatette et où nous nous régalions aussi des jeunes fèves à peine cueillies, à peine mangées ? Et ces pastèques rouge sang dont le jus nous dégoulinait sur le menton et... et...

Tiens, j'en bave déjà... il vaut mieux que je m'arrête avant l'indigestion !

On en reparlera, je vous le promets ! J'ai de quoi en écrire des pages et des pages à nous en faire péter la panse...

Vous vous souviendrez ?

© Robert Gastaud - 13 mai 2008

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